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L’économie espagnole vue depuis la presse internationale

 

 

Du miracle économique au ralentissement actuel, comment les journaux étrangers racontent l’économie espagnole

 


 

 

 

Tigres asiatiques, tigres celtiques, NPI, BRIC, les analystes et journalistes économiques aiment à résumer les économies nationales à une étiquette. Dans le cas de l’Espagne, la formule consacrée, sur les 20 dernières années, est celle du « miracle espagnol ». Depuis l’entrée dans l’Europe jusqu’au ralentissement actuel, c’est une formidable croissance qui a vu les ibériques refaire une partie de leur retard sur les leaders de l’Europe. Cependant, dans la presse économique internationale, on trouve relativement peu d’articles sur l’Espagne : il faut attendre un évènement majeur (elections, scandale financier) pour que la péninsule apparaisse en première page.


Cependant, l’Espagne est un bon client pour la presse économique mondiale. Des journaux comme les Echos ou le Financial Times ont récemment augmenté leurs correspondances à Madrid, passant respectivement à un et deux journalistes en poste fixe. Les secteurs qui sont commentés depuis l’extérieur sont les piliers de la croissance des 20 dernières années. En premier lieu, l’immobilier : « c’est le thème principal, selon Gilles Senges, correspondant à Madrid pour les Echos. Quand c’était en plein boom, comme maintenant, en crise. Toujours dans l’excès : il y a et il y a toujours eu une sorte de frénésie de l’immobilier espagnol. Ce secteur est également lié aux scandales financiers, de manière récurrente : il y a quelque chose de malsain dans le BTP espagnol. » Les excès des promoteurs immobiliers est vu depuis les Echos comme la cause de la surcharge actuelle de logements neufs, avec 1 millions de propriétés invendues.

 



Les thèmes qui arrivent ensuite sont la finance et l’énergie. L’Espagne est très dynamique en la matière : l’appétit de banquiers comme BBVA ou Santander, qui ont absorbé récemment des partenaires à l’étranger, est abondemment commenté par les pays concernés. L’énergie est un thème récurrent, jusqu’à récemment, avec la crise de l’eau en Catalogne. Le choix du non-nucléaire, additionné à une délimitation des compétences assez floue entre Madrid et les régions, est un casse-tête pour les politiques energétiques.


Un autre thème suscite régulièrement des articles dans la presse économique européenne : celui des « conquistadors », ces groupes qui partent à la conquête de l’Europe. Les achats de capitaux étrangers depuis Madrid ou Barcelone suscitent un intérêt accru pour l’économie espagnole, et renforcent à chaque fois les liens économiques entre les deux pays concernés. Les exemples ne manquent pas : BBVA, Santander et Telefonica ont récemment fait leur marché en Italie. En France, Abertis a absorbé Sanef ; Colonial a investi dans la Société Foncière Lyonnaise et Metrovacesa s’est positionné dans le capital de Gesina. En Grande-Bretagne, Ferrovial a acheté des parts de la British Airport Authority. Les observateurs étrangers ajoutent souvent à ce reluisant tableau de chasse des comptes publics parmi les meilleurs d’Europe : les caisses de l’état sont pleines, ce qui permet d’aborder la crise annoncée avec plus de sérénité.


Pourtant, en termes de présence médiatique, l’Espagne n’occupe que le 5ème rang européen, derrière l’Italie, quand ses résultats récents lui confèrerait le 4ème. L’explication, selon Michele Calcaterra, correspondant de « Il sole 24 ore » à Madrid, ne serait pas seulement économique : «l’Espagne passe après le Royaume-Unis, en tête dans le secteur banquier et financier, et après l’Allemagne, qui a de nombreux groupes puissants. Ensuite, l’Italie est très attentive à ce qu’il se passe en Espagne, nous avons de nombreux points communs géographiques et culturels. Mais les liens avec la France sont plus anciens et plus solides, y compris culturellement. Les économies française et italienne sont donc plus étroitement mélées.»


La dynamique espagnole ne suscite pas que de l’admiration, mais parfois des réactions acerbes de la part de ses concurrents les plus directs. Un thème a notamment suscité de l’émotion du côté de Rome : celui du fameux dépassement de l’économie italienne par son homologue espagnole, selon Eurostat. Un fait démenti par les journaux italiens, alors que depuis Paris, qui voit Madrid se rapprocher, on accueille avec scepticisme le « miracle » espagnol. Le pays s’est modernisé depuis l’extérieur, grâce à l’argent de l’union européenne. Et selon Gilles Senges, des Echos, « le phénomène des « conquistadors » est d’abord dû au fait que selon la loi espagnole, une acquisition de capitaux étrangers donne droit à des déductions fiscales conséquentes. Appatés, les groupes ibériques se sont rués sur les entreprises européennes, pour mieux se prendre les pieds dans le tapis. La crise de l’immobilier les a fait durement chuter : Ferrovial et Safir ont aujourd’hui 30 et 20 milliards de dettes, et Colonial est poursuivi par ses créanciers ».


Une mauvaise gestion à attribuer, toujours selon les Echos, à une culture économique parfois archaïque : connivence, népotisme, certaines pratiques évoquent la France des années 80. Dans les CA, la modernisation des mentalités se ferait toujours attendre. La figure du patron-fondateur tout puissant, comme Botin de Banco Santander, est souvent trop présente et grêve l’efficacité. La faute au facteur culturel, et aussi au système de l’actionnaire privilégié, qui permet, avec 30% des parts, d’être le seul maître à bord. Mark Mulligan, du Financial Times, déplore quant à lui le manque de transparence de la part du gouvernement. « C’est parfois difficile d’accéder à des responsables, et interviewer un ministre, c’est mission impossible. Plus qu’en Angleterre, un journaliste a besoin d’un réseau d’amitiés pour avoir accès aux cadres supérieurs de l’état ou d’une grande entreprise. » D’autres correspondants se plaignent du manque de transparence dans les comptes des entreprises privées, soupçonnant des pratiques illégales : Certaines banques, embourbées dans la crise immobilière, continuent de présenter d’excellents résultats, à la surprise générale.


Dans ce tableau, la Catalogne reste une eternelle incomprise. Aux yeux des correspondants internationaux, tous en poste à Madrid, elle n’a pas su tirer suffisament parti de son renouveau dans les années 90. Même si elle reste un poumon économique de l’Espagne, à l’image du pays basque, elle n’a plus ce monopole de la modernité dont elle jouissait il y a 100 ans, et qu’on a cru ranimer en 1992 avec la flamme olympique. Vu depuis la presse étrangère, le catalanisme et son complexe d’infériorité ne sont pas des atouts sur le plan économique, au contraire. Même si les entreprises locales (comme la Caixa ou Abertis) sont des valeurs sûres, elle peine a attirer les investisseurs étrangers, qui se tournent naturellement vers Madrid, aujourd’hui perçue comme plus dynamique. La capitale espagnole a en effet explosé depuis 15 ans et s’est affirmée comme nouveau pôle économique européen, au détriment de la cité condale.


L’Espagne est aujourd’hui vue comme une économie jeune, se préparant à faire face à sa première crise moderne. Après l’âge d’or, et malgré sa grande compétitivité, l’aterrissage sera brutal, selon la presse économique internationale. Le temps du « miracle espagnol » est révolu ; à l’Espagne de prouver qu’elle n’a pas fini de tirer profit de son dynamisme.

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